Appel à contributions
« Danser (avec la technologie) / Dancing (with technology) »
n° 48 (automne 2026)
Intermédialités. Histoire et théorie des arts, des lettres et des techniques
Intermediality. History and Theory of the Arts, Literature, and Technologies
Sous la direction de :
Date de soumission des propositions : 7 juin 2025
Annonce des résultats de la sélection des propositions : 30 juin 2025
Soumission des textes complets aux fins d’évaluation : 1er décembre 2025
Publication des textes retenus par le comité de rédaction : automne 2026
Danser (avec la technologie)
Isadora Duncan, pionnière de la danse moderne, croyait que seul le mouvement du corps humain « nu » (déchaussé, sans médiation) pouvait être considéré comme naturel et donc avoir de la valeur. Duncan était obsédée par l’idée de dépouiller la danse pour n’en garder que son instrument fondamental — la forme humaine (Daly 1994). Or, la danse n’a jamais été simplement une question de corps. Au contraire : la danse est un assemblage. Elle réunit technique, cérémonie, chorégraphie, habitus (Bourdieu 1990) et divers médiums — lumière, costumes, musique — qui se combinent avec le corps pour produire des effets performatifs. De plus, le cinéma, la science et l’animation ont historiquement utilisé la danse pour tester et expérimenter de nouvelles techniques et de nouveaux médias tels que l’image en mouvement, la lumière électrique et des techniques d’animation comme la rotoscopie (Haslem 2019; Pierson 2020; Schonig 2021). Cette histoire présente la danse comme une pratique relationnelle qui étend la notion de « corps » au-delà de l’humain en tant qu’entité distincte.
La danse est également en relation avec le développement des technologies numériques émergentes d’aujourd’hui, comme la réalité virtuelle (RV), la capture de mouvement et l’intelligence artificielle (IA) (Birringer 2008; Berman et James 2015; Li 2021). Plus spécifiquement, la danse est souvent instrumentalisée dans le but de faire avancer la recherche dans les domaines de la santé et des jeux vidéo (Miller 2017), ainsi que dans le contexte militaire (Yamamoto et Altun 2021) et en robotique (Skybetter 2024). Parce que la danse n’est pas seulement instrumentale, mais aussi relationnelle, discursive et curieuse, le corps dansant peut servir d’interface précieuse pour explorer à la fois les limites des nouvelles technologies et les effets de ces technologies sur l’expérience humaine.
Il devient clair que la danse et la technologie ne sont pas des termes opposés. Si la « technologie » représente un ensemble de moyens (outils, méthodes, procédures) par lesquels l’information est acquise, alors la danse elle-même est une sorte de technologie dans la mesure où il s’agit d’une compétence finement développée qui peut être utilisée pour recueillir des connaissances sur les limites du corps humain sous ses diverses formes médiatisées et l’expérience d’une relation plus qu’humaine.
Ce numéro d’Intermédialités vise à théoriser la danse (en tant que genre, pratique et idée) à partir d’enchevêtrements historiques et contemporains de corps, de médias, d’affects et de valeurs. Nous sollicitons des contributions scientifiques et artistiques sous forme d’essai ou sous une forme plus créative, en mettant l’accent sur les projets qui impliquent la danse et les nouveaux médias et les technologies émergentes telles la réalité virtuelle ou augmentée (RV / RA), la robotique, la capture de mouvement, les applications d’IA et autres interfaces médiatiques et chorégraphiques. Nous encourageons particulièrement les soumissions qui traitent d’études sur le handicap, d’études critiques sur la race et le genre, ainsi que d’approches de recherche-création. Les contributions se concentrant sur des exemples historiques de l’intersection de la danse et de la technologie sont également les bienvenues.
Les personnes intéressées à contribuer à ce numéro de la revue sont invitées à réfléchir aux questions suivantes :
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- Où, dans la danse, le corps humain organique existe-t-il (ou persévère-t-il), notamment par rapport aux « corps » tels que les robots, les avatars, les rendus numériques et les traces filmiques ou animées ?
- Quelle est l’expérience émotionnelle et philosophique de danser avec la technologie ?
- Comment les nouvelles potentialités créatives ouvertes par les technologies numériques influencent-elles à la fois les possibilités de création de danse et l’expérience du public ?
- Comment l’histoire de la surveillance influence-t-elle, produit-elle ou informe-t-elle les corps et les pratiques chorégraphiques aujourd’hui ?
- Comment l’essor de l’IA sous le capitalisme informe-t-il la danse en tant que pratique, institution et échange culturel ? À l’inverse, la danse peut-elle remettre activement en question les idéologies basées sur la productivité et le profit associés à l’IA ?
- Comment les collaborations entre danseurs, chorégraphes et praticiens des nouveaux médias pourraient-elles ouvrir la porte à de nouveaux futurs imaginatifs et à une notion élargie de ce qu’est un corps dansant ?
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Les propositions (350 à 400 mots) en anglais ou en français doivent inclure un résumé, une bibliographie préliminaire (cinq livres ou articles) et une brève note biographique (affiliation académique, champs d’intérêt; 5 à 10 lignes). Les propositions seront évaluées en fonction de l’originalité de l’approche et de la pertinence thématique. Les propositions doivent être envoyées aux rédacteurs invités (hilary.bergen@gmail.com et bedphil@gmail.com) avant le 7 juin 2025.
Les articles définitifs seront à soumettre 1er décembre 2025. Ils devront avoisiner les 6 000 mots (40 000 caractères, espaces compris) et pourront comporter des illustrations (sonores, visuelles, fixes ou animées), dont l’auteur·e de l’article aura pris soin de demander les droits de publication. Il est demandé aux auteur·e·s d’adopter les normes du protocole de rédaction de la revue, disponible sur la page suivante : http://intermedialites.com/guides-et-documents/
Pour de plus amples informations sur la revue, consultez les numéros accessibles en ligne sur la plateforme Érudit : www.erudit.org/fr/revues/im/
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Bibliographie
Bédard, Philippe, « Virtuality+: The Physical Body in Virtual Reality and the Path Toward Augmented Virtuality », Aisthesis. Pratiche, linguaggi e saperi dell’estetico, vol. 16, n° 1, 2023, p. 61–72.
Bergen, Hilary, « Animating the Kinetic Trace: Kate Bush, Hatsune Miku, and Posthuman Dance », PUBLIC 60, 2020, p. 188–207.
Berman, Alexander & Valencia James. « Kinetic Imaginations: Exploring the Possibilities of Combining AI and Dance », IJCAI, 2015.
Birringer, Johannes, Performance, Technology & Science, New York, PAJ Publications, 2008.
Boffone, Trevor, Renegades: Digital Dance Cultures from Dubsmash to TikTok, New York, Oxford University Press, 2021.
Bourdieu, Pierre, « In Other Words: Essays Towards a Reflexive Sociology », Cambridge, Polity Press, 1990.
Bradley, Rizvana, « Black Cinematic Gesture and the Aesthetics of Contagion », TDR: The Drama Review, vol. 62, n° 1, Spring 2018, p. 14–30.
Daly, Ann, « Isadora Duncan and the Distinction of Dance », American Studies, vol. 35, n° 1, Spring 1994, p. 5–23.
DeFrantz, Thomas & Philipa Rothfield (dir.), Choreography and Corporeality: Relay in Motion, Basingstoke: Palgrave MacMillan, 2016.
Dronier, Charlotte & Philippe Bédard, « Faire corps avec la caméra : Expérimentations esthétiques et phénoménologie alternative du mouvement chorégraphique », Richard Bégin, Thomas Carrier-Lafleur & Gilles Mouëllic (dir.), Un cinéma en mouvement: Portabilité des appareils et formes filmiques, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2022, p. 159–182.
Haslem, Wendy, From Melies to New Media: Spectral Projections, Intellect Books Ltd, 2019.
Kozel, Susan, Closer: Performance, Technologies, Phenomenology, Leonardo, 2008.
Lehman, Boris, « Filmer la danse », Nouvelles de danse, n° 26, Winter 1996.
Li, Xiaocheng, « The art of dance from the perspective of artificial intelligence », Journal of Physics: Conference Series, vol. 1852, n° 4, 2021.
McCarren, Felicia, Dancing Machines, Stanford University Press, 2003.
Miller, Kiri, Playable Bodies: Dance Games and Intimate Media, Oxford University Press, 2017.
Pierson, Ryan, Figure and Force in Animation Aesthetics, Oxford University Press, 2020.
Portanova, Stamatia, Moving Without a Body: Digital Philosophy and Choreographic Thoughts, Cambridge, MIT Press, 2013.
Rajko, Jessica, « Techno-Liberalism’s Body: Dance(r) Labour in Computing Research and Race as Always Already Additive », BCS Learning and Development Ltd, Proceedings of Politics of the Machines—Rogue Research, 2021, p. 23–31.
Schonig, Jordan, The Shape of Motion: Cinema and the Aesthetics of Movement, Oxford University Press, 2021.
Skybetter, Sydney, « Clock, Fall: Choreorobotics and Near Futures of Choreographic Practice », Keynote talk, Harvard University, April 18, 2024, https://www.skybetter.org/clockfall
Thain, Alanna, « In the Blink of an Eye: Norman McLaren Between Dance and Animation », Douglas Rosenberg (dir.), The Oxford Handbook of Screendance Studies, New York, Oxford University Press, 2016.
Walon, Sophie, « Ciné-danse : Histoire et singularités esthétiques d’un genre hybride », PhD dissertation, Université de recherche Paris Sciences et Lettres, 2016.
Yamamoto, Gonca Telli & Deniz Altun, « Virtual Reality (VR) Training in the Future of Military Training », 6th Istanbul Security Conference, November 5–6, 2020.