L’écosystème socionumérique actuel est marqué par la prolifération des puissances du faux qui atténuent considérablement notre capacité à détecter les manifestations de la tromperie. Selon une perspective d’intermédialité, ces phénomènes ne sont pas nouveaux car ils découlent du très ancien art du mensonge, de la (dis)simulation ou de l’illusion dont les manifestations sont multiples, tant dans les fictions artistiques (littérature, arts vivants, cinéma) que dans l’espace social, où Ils ont pris des configurations inédites au sein de l’écosystème socionumérique actuel. Les pratiques artistiques, que nous qualifions d’« arts trompeurs », jouent depuis longtemps sur les multiples ressorts de l’illusion, qu’elle soit occultée ou affichée, afin de divertir. Mais la situation actuelle révèle une rupture majeure : le système reposant sur les « régimes d’authenticité » qui fournissait des repères partageables, n’est plus opérant. Dans une ère dite de « post-vérité », s’opèrent des transformations des systèmes de vérité, d’autorité et de légitimité à l’œuvre dans les dynamiques de médiations contemporaines. Les phénomènes où se joue l’art de tromper se situent souvent à la lisière du vrai et du faux, du fictionnel et du documentaire. Les objets de ce numéro sont situés à la fois dans le domaine des « arts trompeurs », ces pratiques artistiques – historiques ou plus récentes – où se manifestent des stratégies d’illusion, de subterfuges ou de duperie pour le plaisir des lecteurs/spectateurs et dans l’écosystème informationnel, notamment autour de l’intelligence artificielle où opèrent des dispositifs toujours plus raffinés dans l’art de la simulation, en démultipliant les puissances du faux. Les deux sphères suscitent des imaginaires sociaux que nous mettons en tension pour mieux en exposer les rouages.
Sommaire
Introduction.
Renée Bourassa (Université Laval)
Jean-Marc Larrue (Université de Montréal)
Articles
Puissances du faux, faiblesses du vrai: tromperie, stratégies d’illusion et intelligence artificielle
Renée Bourassa (Université Laval)
Anatomy as Art of Dis-deception: The Moral Anatomies of Alessandro Tommaso Arcudi and Ottavio Scarlattini
Imma Iaccarino (Università della Svizzera italiana)
La mécanique du faut à l’œuvre dans le spectacle d’illusionnisme
Frédéric Tabet (Université de Toulouse 2)
Et si la magie existait ? L’illusionnisme fantastique comme dispositif intermédiaire (objet chargé — récit fantastique — effet magique)
Thibault Rioult (Université d’Angers)
An Inquiry into Self-Deception: Memento, Truth-Display, and the Detective Genre
Juliette Leblanc (Université de Montréal)
Le trompe-l’œil trop parfait ? Les beauty works numériques ou la perfection de l’imperfection
Réjane Hamus-Vallée (Université d’Evry Paris-Saclay)
Tromper au nom de Dieu. Les stratégies de tromperie religieuse d’Alger à Damas
Rima Rouibi (École Nationale Supérieure de Journalisme et des Sciences de l’Information (ENSJSI) d’Alger)
Physics and Metaphysics of Post-Truth (Or, Do Realia Deliver us from Artefacts of False Witness?)
Martin Scherzinger (NYU)
Artistes invités
Le Jeu de la réfutation. (Re)médiation du climat à travers un environnement génératif
Gaëtan Robillard (Université Laval, CRILCQ Université de Montréal)
Hors dossier
Immersed in Desire: Visual Translations of Nicole Brossard’s Le désert mauve
Ania Wroblewski (University of Guelph)
Contrepoints
Homo Kreuzlingenius 1923 — Aby Warburg à la clinique Bellevue. Une conférence-projection interrompue. Fiction documentaire pour un centenaire
Philippe Despoix (Université de Montréal)